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Tonique, le marché cherche du végétal

Depuis plusieurs années, la courbe de la demande de nombreux végétaux, en particulier en pépinière, est supérieure à celle de l’offre, provoquant une tension sur le marché. Photos P. FAYOLLE

Entre contraction de la production et demande soutenue, de nombreuses gammes sont devenues difficiles à se procurer. C’est surtout vrai en pépinière, mais l’ensemble des produits semblent concernés.

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C’était déjà un peu vrai auparavant, mais avec la crise sanitaire, le phénomène s’est renforcé : les jardiniers ont envie de picorer dans leur jardin et plébiscitent tout ce qui peut leur procurer de quoi y assumer leur gourmandise.

C’est le cas des plants potagers, qui ont enregistré de vraies ruptures de stock au printemps 2020, mais plus particulièrement les fruitiers. « La demande et les ventes ont progressé de 30 % au cours de l’automne dernier, précise Patrick Abadie, qui est responsable qualité et approvisionnements en végétaux de l’enseigne Truffaut. L’offre a été consommée et il est devenu quasiment impossible de s’en procurer si l’on n’a pas passé des contrats en amont. »

Aux dires de tous, le constat ne se limite pas à la production française, mais se vérifie aussi au niveau européen. Sylvie Robert, déléguée générale d’Excellence végétale, travaille sur le label rouge, association qui a effectué il y a quelques mois une demande­ d’homologation pour les plants fruitiers. Elle confirme l’information, notant que le manque de produits sur le marché ralentit le lancement effectif des arbres et arbustes labellisés.

Tous types de végétaux concernés

Mais l’engouement suscité par les fruitiers n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg. « La tendance aurait déjà dû être visible l’an dernier, mais la pandémie a tout masqué, estime ainsi Mikaël Mercier, président de Val’hor. La courbe de la demande est supérieure à celle de l’offre. Elle est en légère hausse depuis des années, portée par une envie de plus en plus forte de végétalisation. Celle-ci s’est accrue en 2020 compte tenu de la pandémie : les Français sont restés confinés, ont eu le temps de s’occuper de leur lieu de vie, à l’intérieur comme à l’extérieur, ont ressenti le besoin de jar­diner, d’être entourés de fleurs et plantes, de s’aérer, de cultiver leurs propres légumes, d’avoir leur petit “bout de nature” chez eux. Enfin, ils sont de plus en plus soucieux de l’environnement et ils ont compris que planter est bénéfique. »

Le manque de disponibilité affecte de nombreux produits. En tout premier lieu les graines, qu’elles soient potagères ou florales. « Les producteurs adaptent leur activité. Certains, présents sur un marché, celui des légumes, par exemple, se sont diversifiés dans les fleurs. Cependant, avant la pandémie, l’activité des semenciers avait déjà été un peu entravée par l’arrivée du nouveau virus de la tomate. La crise sanitaire a encore un peu plus tendu le marché », explique Sylvie Robert.

« Toutes les catégories de végétaux risquent de manquer cette année, prévient Mikaël Mercier. Il y avait déjà des ruptures énormes fin mars. » Il imaginait un mois d’avril « particulier », avec des disponibles vides ou presque chez les producteurs. Et malgré l’arrivée de nouvelles séries, les mois de mai et juin pourraient aussi être très problématiques si la demande reste soutenue. « C’est réel en pépinière, mais je pense que ce sera également le cas en plantes horticoles car un élément conjoncturel est venu se rajouter cette année, c’est le froid de cet hiver qui a été très fort et long dans beaucoup de régions. Et cela sera un facteur aggravant pour la demande, un facteur d’opportunité pour l’offre », poursuit Mikaël Mercier.

Marie Levaux, la présidente de la FNPHP (Fédération nationale des producteurs horticulteurs pépiniéristes) et horticultrice à Mauguio, près de Montpellier (34), estimait pour sa part, à la fin du mois de mars, qu’il était difficile de se projeter pour les plantes horticoles, la saison n’ayant pas encore débuté, mais se montrait confiante, d’autant que la demande de bisannuelles a aussi été importante et les ruptures locales nombreuses.

Tous les marchés sont dynamiques

« Il manque des plantes. Le flux Sud-Nord est très intense, en raison des achats hollandais ou des négociants belges en Espagne comme en Italie. Les prix se tendent et l’offre se concentre, tout comme la demande », confirme Michel Le Borgne, animateur du pôle paysage de la FNPHP et dirigeant de Pépinières Drappier, à Lecelles (59).

Le phénomène est dû au dynamisme de tous les marchés : « Ce qui est très surprenant, mais très motivant. Dans le paysage, ils ont des carnets de commande pleins à six-neuf mois. Les jardineries, avec une consommation très forte lors du premier trimestre 2021, et même avant. Mais aussi les fleuristes : la Saint-Valentin et la fête des Grands-Mères ont été excellentes. Depuis, la demande est toujours aussi forte », conclut Mikaël Mercier.

Au-delà de l’offre dynamique, il faut aussi chercher le manque de produits du côté de la diminution de la production. « De nombreuses pépinières de pleine terre ont disparu en Europe de l’Ouest (à l’exception de la région d’Opheusden, aux Pays-Bas) ou ont réduit la voilure, voire sont devenues des jardineries, notamment en Allemagne », constate Michel Le Borgne.

On enregistre en France « une baisse continuelle du nombre de producteurs : - 50 % en dix ans, soit une moyenne de - 4 à - 5 % par an. Selon nos informations, elle concerne aussi 2020 car certains ont souffert de la pandémie », renchérit pour sa part Mikaël Mercier (voir les chiffres à la fin 2019 dans Le Lien horticole n° 1104, page 6). Sans oublier que, comme le précise Patrick Abadie, pour Truffaut, même dans les entreprises dont l’existence n’est aucunement remise en question, parfois des mises en culture n’ont pas pu être effectuées pour des problèmes liés à des absences de personnel, par exemple.

Un regain d’optimisme

Globalement, pour les producteurs engagés dans la défense de la filière, les indicateurs pour les métiers du végétal s’avèrent bons. Trop bons, au point que la rupture d’offre pourrait décourager certains consomma­­teurs ? Il est encore trop tôt pour le dire. En tout état de cause, le fait que les familles de la profession aient pu obtenir l’au­torisation de vendre des fleurs et plantes pour tous les types de magasins, que celles-ci soient considérées comme des « produits de première nécessité », conjugué aux 25 millions d’euros d’aides alloués aux producteurs, qui vien­dront compenser une partie des plantes jetées l’année dernière (voir page 6), conduit à un certain regain d’optimisme.

« Cela m’avait fait dire : “Le végétal est sorti gagnant de cette crise.” Ça se confirme ! » conclut Mikaël Mercier.

Pascal Fayolle

- Le marché des fruitiers fait partie de ceux qui sont les plus tendus. L’offre a été asséchée à l’échelle de toute l’Europe.

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